Published: dim. 06 octobre 2024
By Altay
In Jeux vidéo .
tags: film jeu
Ma confession nulle du jour, c'est que j'aime bien la licence Far Cry .
J'avais un peu joué à la première partie du premier Far Cry (2004), avant de lâcher quand les monstres débarquent.
J'ai souvenir de passages dans les bunkers assez difficiles et un peu flippants qui m'ont découragé quand j'y ai joué vers 2006/2007.
Cela dit, c'est une exception dans la licence puisque c'est le seul à avoir été par un studio externe à Ubisoft: Crytek.Far Cry utilise un moteur de jeu spécialement développé pour, le CryEngine, qui offrait des graphismes exceptionnels pour l'époque.
Crytek sera ensuite embauché par EA pour développer l'excellent Crysis, que j'ai poncé comme jamais quand j'avais quinze ans.
Néanmoins, la licence Far Cry est elle restée dans les mains d'Ubisoft, qui l'a confiée en interne à son studio Ubisoft Montréal.
Autant je n'ai pas d'amour particulier pour Far Cry 1, autant j'ai adoré Far Cry 2 (2008).
Son ambiance incroyable de guerre civile en Afrique centrale était unique en son genre avec une grande carte ouverte de 50km². Il utilise alors le Dunia Engine, en fait le CryEngine adapté à la sauce Ubisoft, qui servira de base à tous les Far Cry suivants. Le moteur délivre des prestations visuelles encore magnifiques, en plus d'une gestion des incendies qui m'a réconcilié avec le cocktail Molotov dans les jeux vidéo.
Comme beaucoup, j'ai ensuite pris la « claque » Far Cry 3, dont le succès retentissant, critique et commercial, en a fait mètre-étalon pour les épisodes suivants.
La mise en abyme du scénario qui questionnait les joueur⋅euses sur notre enthousiasme collectif pour la violence vidéoludique était une grande surprise de la part d'Ubisoft, qui nous avait habitué à des scénarios sans queue ni tête (Far Cry 3 sort en 2012, soit la même année qu'Assassin's Creed III).
Far Cry 4 (2014) a tenté de conserver cette magie, en s'éloignant du soleil des îles du sud, remplacées par les montagnes de l'Himalaya. Pourtant, la dictature fictive du Kyrat n'a pas fait grande impression, le gameplay n'arrivant pas à se renouveler. Qui plus est, les scénaristes se prennent les pieds dans le tapis à vouloir se montrer « plus malin que les joueur⋅euses ».
J'avais de bonnes attentes pour Far Cry 5 (2018), dont la bande-annonce promettait un discours radical sur la montée du fascisme trumpiste dans le Montana. Peine perdue, toute idéologie politique est diluée dans du relativisme à deux balles, la plupart des personnages n'ayant aucune agentivité et donc aucune responsabilité à cause d'une sombre histoire de contrôle mental.
Le jeu est sauvé par un gameplay divertissant, quoique répétitif, qui propose un bon équilibre entre infiltration, gunfight et exploration.
Alors, avec Far Cry 6, sorti en 2021, est-ce que Ubisoft renouvelle sa licence ?
Vraiment ?
Je veux dire, bien sûr que non.
Sang chaud de Cuba
Comme de coutume depuis Far Cry 2, le jeu se déroule dans une nation fictive mais fortement inspiré d'un pays réel.
Après le Rwanda, la Papouasie Nouvelle-Guinée, le Bhoutan et le Montana, Ubisoft met le cap direction donc Cuba, pardon Yara.
L'archipel est sous la mainmise d'Anton Castillo (incarné par Giancarlo Esposito, excusez du peu), fils du précédent dictateur de l'île qui avait pourtant été renversé en 1967.
Anton est parvenu à se faire élire et a instauré une nouvelle dictature, suivant ainsi les traces de son papounet. Comme tout bon despote, il prépare son fils de 13 ans, Diego, à prendre sa suite.
Mais c'est bien sûr sans compter plusieurs factions adeptes de la guerilla qui cherchent à libérer le pays, à commencer par Libertad, la faction que rejoindra læ protagoniste Dani Rojas au début du jeu.
Oui, læ, puisqu'il est possible de choisir si Dani est un homme ou une femme. Bravo Ubi, trois ans après Assassin's Creed Odyssey, vous préférez encore payer les doublages deux fois plutôt que d'assumer de mettre un protagoniste féminin dans vos licences. Au moins, l'option existe.
Bref, après une intro un peu longuette durant laquelle Dani voit ses potes mourir lors d'un raid des milices, on comprend vite qu'on va manger du dialogue hispanisant, ponctué de amigo et de guerrillero à tout bout de champ.
C'est sympa, ça fait couleur local et, comme dans les opus précédents, les environnements sont franchement jolis, ça donne envie de se balader.
Et ça fait bim, bam, boum
Côté gameplay, c'est simple : on prend Far Cry 5 et on recommence. Tout y est, de la wingsuit pour se déplacer plus rapidement aux camps à libérer en passant par les innombrables coffres à déverrouiller pour des nouveaux équipements.
Il y a, comme dans tous les jeux Ubisoft, beaucoup trop d'objets à collectionner et la carte fourmille de marqueurs à visiter, à en donner le tournis. Sincèrement, je pense ne pas avoir fait le tiers des activités prévus et j'ai pourtant passé les 30 heures de jeu.
C'est juste trop répétitif sur la durée.
Néanmoins, le feeling des combats est bon. Le jeu propose une bonne diversité d'armes, combinée à des équipements et des modifications à fabriquer qui permettent d'envisager pas mal d'approches différentes.
Cela dit, cette diversité ne s'est pas vraiment ressentie dans ma façon de jouer.
En effet, j'ai tendance à converger vers un arsenal qui convient à mon approche et à m'y tenir.
En conséquent, mon équipement n'a pas changé d'un pouce pendant le dernier tiers du jeu, sachant que j'avais de toute façon déjà débloqué les armes les plus puissantes.
Je dois dire par ailleurs que les micro-transactions, bien que complètement optionnelles, gâchent complètement le plaisir de l'exploration. En dépensant quelques euros, il est possible d'accéder dès le début du jeu à des armes bien meilleures que tout ce qu'il est possible de dénicher en jouant normalement.
Je ne vois pas l'intérêt et j'imagine que c'est une décision imposée par le département monétisation pour tenter d'extraire quelques brouzoufs en plus de la licence.
Dans l'ensemble, j'ai quand même passé un bon moment à jouer (la preuve, j'ai fini le scénario principal). Les missions sont plutôt variées, même s'il y a un peu de remplissage ici et là. Les environnements offrent une bonne diversité, le monde complètement ouvert contient des tonnes de véhicules pour se déplacer (même des zèbres !), la bagarre est plaisante sans être trop punitive. Bref, c'est une expérience de jeu tout à fait satisfaisante. Je regrette tout de même que, comme depuis Far Cry 3, il soit plus ou moins obligatoire de chasser des animaux pour le craft. Far Cry 6 se permet même d'en rajouter une couche avec un mini-jeu de combat de coqs, heureusement complètement facultatif. C'est de manière générale une tar dont souffre tous les épisodes de la licence, qui se ressemblent éhontément, jusqu'à systématiqument partager les mêmes missions, par exemple la sempiternelle mission « sous influence » avec des hallucinations et autres effets de distorsions visuelles, ou encore la mission « cramer des champs de [X] » (généralement de la drogue, ici du tabac).
T'es qui là ?
Côté histoire, le tableau est moins reluisant.
Pour la première fois dans la licence, les cinématiques sont à la troisième personne et le personnage, Dani, a une voix tout du long.
C'est plutôt une bonne chose: en lui donnant une personnalité, on s'intéresse plus aisément à l'intrigue.
Cela permet aussi aux narrative designer d'expérimenter avec une mise en scène plus cinématographique, même on tombe parfois dans le travers inverse : abuser des effets de caméra pour se donner un vernis « cinéma », sans avoir creuser le fond.
Sur le papier, Ubisoft affirme que les scénaristes ont planché sur la révolution cubaine de 1959 et ont voulu traiter de thèmes politiquement marqués (l'impérialisme, la démocratie, la révolution).
En pratique c'est mouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu. Ce n'est même pas centriste, le jeu évite tout simplement de se positionner sur le moindre sujet.
La seule incartade réellement assumée est la collusion entre la CIA et les rebelles, explicitement réprouvée par Dani puisque les américains traitent aussi avec le régime de Castillo pour l'exploitation d'un produit miracle anti-cancer, le Viviro, produit sur l'île.
Pour le reste, les dialogues veulent avoir l'air intelligents, mais les personnages se content d'aligner des poncifs du style « Le peuple doit vouloir sa propre liberté » et « La démocratie a un coût ».
On doit se coltiner des tonnes de personnages secondaires franchement inintéressants. Certains m'ont semblé repompés sur la franchise Just Cause , mais sans le côté série B jubilatoire de la licence d'Avalanche Studios.
Ce qui est dommage, c'est que le jeu est divisé en trois zones complètement distinctes à « libérer », chacune avec sa propre faction et que celles-ci sont très inégales.
La « première » (dans le sens où le jeu nous encourage à commencer par cette zone), les Montada, est une faction de fermiers rebelles qui manque cruellement de profondeur en comparaison des deux autres. Si j'avais su, j'aurais plutôt commencé par la zone sud, occupée par La Morale et les Légendes de 67 , qui présentent un diptyque bien plus riche en mettant en contraste les « anciens » et les « jeunes » révolutionnaires, dont les méthodes et des idéaux ne sont pas toujours compatibles.
Même si les PNJ sont largement oubliables, il y a quand même deux points positifs: j'ai beaucoup aimé le personnage de Paolo, rappeur trans écrit avec une finesse surprenante, ainsi que Jonjon, grosse bourrine qu'on ne voit malheureusement pas assez.
Je salue les efforts qui ont été fait sur l'inclusivité dans le jeu, notamment en ce qui concerne la mixité de genre. C'est par exemple la première fois que je remarque une quasi-totale parité parmi les antagonistes, à presque tous les niveaux. Même les sbires de bas rang qui sont aussi bien des soldats hommes que des femmes, ce qui n'est pas franchement courant. Ubisoft a visiblement appris de ses erreurs et il semble loin le temps où animer des femmes était trop coûteux dans leurs productions.
Globalement, c'est quand même écrit avec des gros sabots. Il n'y a pas vraiment de surprises, les twists se voient venir à des kilomètres et puis il faut quand admettre que c'est vraiment cliché. Far Cry 6 introduit à tout bout de champ des références et clins d'œils à la culture latine, quitte à être limite offensant à certains moments.
Politiquement, comme je le disais, ça ne va nulle part et Ubi semble encore avoir du mal à assumer des prises de position franches et marquées.
Il y a aussi une forte dissonnance ludo-narrative entre les scènes qui tentent d'évoquer la place de la violence dans une révolution et le fait qu'on massacre des soldat⋅es du régime à tour de bras.
Ce n'est pas dramatique mais c'est une énième occasion manquée, même si je préfère nettement le scénario de Far Cry 6 au gâchis total qu'était son précédesseur.
C'est bien ou pas ?
Ben, ça va ? Si on aime le gameplay des Far Cry, le sixième opus est un jeu tout à fait acceptable qui promet une trentaine d'heures de jeu sympathiques à faire péter des trucs et tuer des proto-fascistes.
Le contrat habituel est rempli par Ubisoft : une carte foisonnante de marqueurs et des trucs à faire à chaque coin de rue.
OK, le scénario n'est pas dingue mais l'ambiance n'est pas désagréable. Je me suis plus amusé que dans Far Cry 4 ou Far Cry 5, par exemple, à l'atmosphère gritty et ultra-sérieuse parce que la violence c'est dark, tu vois ?
En plus, visuellement c'est superbe.
Je regrette encore l'époque de Far Cry 3, cela dit je me rends à l'évidence : le 3 était un accident de parcours et ça ne se reproduira pas.
Si vous cherchez un FPS ensoleillé pour l'hiver, donnez sa chance à Far Cry 3. Et si vous y avez déjà joué, essayez Far Cry 6 ? Au pire, vous risquez de bien aimer.