Twisted Pair - Au-delà du réel

Cet article est une rediffusion d'une critique initialement publiée sur SensCritique. Je compte republier à terme sur ce blog toutes mes anciennes critiques, éventuellement dans un format légèrement réactualisé.

Préambule : j'ai vu ce film lors de la Nuit Nanarland n°4 en septembre 2019. Il me semble impensable ou du tout moins incroyablement masochiste de regarder Twisted Pair seul. Trouvez-vous un groupe et regardez-le à plusieurs. C'est pour votre santé mentale que je dis ça.

Difficile de réaliser une critique de Twisted Pair comme un artefact de cinéma clasique. Neil Breen, le scénariste, réalisateur, monteur, metteur en scène et interprète du rôle principal, n'est pas un « professionnel de la profession » 1.

Affiche du film Twisted Pair (2018), réalisé par Neil Breen.

Il n'en est pas à son coup d'essai et pourtant, Twisted Pair (son cinquième film !) est un objet résolument amateur.

Sur le plan technique déjà, la moitié des plans sont des stock shots sur lesquels Breen incruste difficilement des personnages mal détourés. La seule transition permettant de passer d'une scène à l'autre est le fondu au noir. Sur les décors, 80% des scènes réellement tournées par Breen ont lieu sur le parvis du Nevada State College, qui sert de décor pêle-mêle à un parc, un restaurant, une agence de la CIA, au QG du méchant et des entreprises cotées en bourse. Les effets spéciaux sont indignes d'être qualifiés en tant que tels. On parle d'ici d'explosions modélisées par le même sprite copié/collé sur l'image et le même sample sonore répété jusqu'à donner la nausée.

Neil Breen en incrustation médiocre caresse un aigle

Et puis il y a les « détails ». Les dialogues qui sont montées avec des silences infernaux entre chaque réplique, signe d'un charcutage assez tragique de dizaines de prises rafistolées ensemble. Les costumes bricolés avec les moyens du bord, à l'aune de ce personnage secondaire porte une moustache qui est littéralement dessinée au marqueur sur un bout de ruban adhésif d'électricien.

Et, pire encore, dans ce film, Neil Breen joue deux versions de lui-même (des jumeaux augmentés par une intelligence artificielle). Mais le réalisateur ne maîtrise pas du tout les ficelles techniques qui permettent de réaliser ce genre d'astuce à l'écran. Pas du tout.

À ce stade, je ne saurais quoi dire. Bien sûr que la qualité globale est abyssale, même comparé à d'autres nanars/navets. Même les équipes de tournage des téléfilms les plus miteux de Syfy savent comment produire un film et connaissent les codes du cinéma. Neil Breen, non.

Illustration de ladite moustache.

On pourrait s'arrêter là et considérer que Twisted Pair est simplement un produit amateur de très mauvaise qualité. Un peu comme un projet étudiant fauché ou un court-métrage de potes sur YouTube. Sauf que, croyez-moi, ce film est une purge.

Breen se met en scène comme héros messianique venant sauver un monde corrompu par les politiciens véreux, les PDG malhonnêtes et les pêcheurs de tout poil. Ses films ont acquis un statut culte outre-Atlantique au même titre que The Room ou Samurai Cop. À mon avis, il ne joue pas dans la même cour n'étant pas un film réalisé par quelqu'un dont on pourrait attendre qu'il sache faire des films (et qui, de surcroît, fait quasiment tout tout seul).

Cela dit, je comprends la comparaison. Comme dans Birdemic, rien ne va. Rien. Ni le son, ni l'image, ni les acteurs, ni les dialogues, c'est un scandale que qui que ce soit ait pu croire que des spectateurs tirent du plaisir de ce film. Comme dans Flic ou Ninja le scénario n'a aucun sens, les scènes s'enchaînent sans raison, les flashbacks se mélangent au présent sans queue ni tête, comme dans The Room, des intrigues secondaires sont lancées et jamais résolues.

Visionner Twisted Pair est une expérience. Le film est très long, ou tout du moins le visionnage vous paraîtra interminable. De nombreux plans ne montrent rien, se contenant d'un leeeeent travelling de gauche à droite, puis de droite à gauche. Vous croirez à plusieurs reprises que c'est fini, avant de constater avec horreur qu'une autre scène apparaît. Le film ne respecte aucun des codes du cinéma. On en apprend beaucoup sur ce que l'on est capable de tolérer comme spectateur en regardant Twisted Pair. Peut-être est-ce une de ses raisons d'être. Ce n'est pas un nanar traditionnel. C'est un accident industriel cinématographique produit en un tournemain par un ancien agent immobilier qui a décidé de mettre en scène son délire mégalomane personnel.

Soyez prévenus.


  1. son occupation principale est agent immobilier. 

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