Critique de film - Taxi

J'avais annoncé dans ma critique du Transporteur que je ferai une rétrospective sur une célèbre série de films de voitures. Et bien je n'ai pas menti, c'est maintenant.

Au début de l'année 2024, je me suis lancé dans le visionnage de l'intégralité des films de la franchise Taxi, un peu par hasard. Comme beaucoup de gens, j'ai vu les premiers films quand j'étais enfant puis ado. J'ai vu plusieurs fois Taxi 3 et c'est l'épisode de la licence dont j'avais le plus de souvenirs avant de les revoir. Taxi, c'est un peu notre Fast and Furious à nous: une voiture tunée qui va vite, des cascades improbables, des méchants de plus en plus méchants, le tout localisé sous le soleil marseillais. Alors, est-ce que ça vaut le coup de descendre sur le Vieux Port faire quelques donuts avec Daniel et Émilien ? On va voir ça ensemble.

Taxi, c'est qui, c'est quoi ?

Taxi, c'est tout d'abord un film scénarisé et produit par Luc Besson 1, sorti en 1998 et qui a rencontré un succès considérable au box office avec plus de 6 millions d'entrée en France. C'est d'ailleurs grâce à Taxi que la société de production de Besson va pouvoir grandir, jusqu'à prendre le nom EuropaCorp en 2000. Si vous êtes né⋅e en France au siècle dernier, vous avez certainement vu ce film, ou au moins vous en avez entendu parler. Le concept est simple : Daniel (Samy Naceri) est chauffeur de taxi à Marseille. Il conduit une Peugeot 406 blanche customisée et a une petite réputation de chauffeur complètement fou, qui roule à tombeau ouvert dans les rues de la ville. Le hasard l'amène à se faire arrêter par Émilien (Frédéric Diefenthal), un inspecteur de police pas bien dégourdi. Les circonstances conduisent les deux hommes à coopérer sur une enquête visant à démanteler un gang de braqueurs terrorisant la métropole marseillaise. Bref, c'est une comédie policière qui se présente sous la forme d'un buddy movie à la française, jusque là pas grand chose de particulier.

Sauf que si. J'avais évoqué dans ma rétrospective sur Le Transporteur les tics scénaristiques de Luc Besson. Des signes avant-coureurs se cachaient dans Taxi. Dans ce premier film, et ses suites, on retrouve sans ambiguité les trois objets de fascination de Besson: les bagnoles, la banlieue et le crime organisé étranger 2. Les éléments de ce triptyque constellent les productions EuropaCorp des années 2000 dès lors que le scénario est signé Besson, à commencer par les bagnoles dans Le Transporteur bien sûr, la banlieue dans Yamakasiet Banlieue 13 et, dans une moindre mesure, la mafia dans Taken et les yakuza dans Wasabi. La particularité de Taxi est d'être une comédie, ce qui va avoir de nombreuses conséquences sur la mise en scène des personnages. En particulier, les interactions vont dégénrer régulièrement dans le burlesque, délaissant le premier degré habituel des films d'action EuropaCorp.

Parlons un peu du film Taxi en lui-même. Il est réalisé par Gérard Pirès, qui n'avait pas été derrière la caméra pendant presque 20 ans avant de s'y remettre pour Taxi. Il ne réalisera d'ailleurs pas grand chose après, si ce n'est l'exécrable Double Zéro avec Éric et Ramzy en 2004 puis le passable Les Chevaliers du ciel en 2005. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Taxi a été nommé aux Césars (meilleur film et meilleur réalisateur) en 1998 et je ne me l'explique pas, comme on le verra plus bas. Pour des raisons de budget, Besson choisit de caster des acteurs peu connus: Samy Naceri dans le rôle de Daniel, Frédéric Diefenthal pour Émilien et Marion Cotillard pour Lilly 3. Il délocalise le tournage à Marseille pour les mêmes raisons. Involontairement, ces choix ont participé à mon avis à rendre le film iconique. Naceri est excellent en Daniel. Ce n'est certes pas un rôle de composition mais justement ! Son bagoût naturel en fait un chauffeur de taxi un peu prétentieux mais éminemment sympathique. Le décor marseillais est bien plus mémorable que le décor parisien, les petits détails ancrant les dialogues dans une certaine conception de la franchouillardise sudiste. Cerise sur le gâteau, la bande-originale signée Akhenaton et ses comparses du rap marseillais est un artefact unique de la fin des années 90. Par ailleurs, le film a également pour grande qualité de dépeindre une police globalement incompétente et le plus souvent ridicule, à tous les niveaux. Qu'il s'agisse des gendarmes humiliés à chaque contrôle de vitesse, ou des collègues d'Émilien qui sont incapables de mener la moindre enquête, Taxi tourne en dérision les flics faisant de Daniel, « simple taxi », le vrai héros du film. En ce sens, il inverse le statut habituel des duos 1 flic/1 civil.

Que dire du reste du film ? Visuellement, c'est du classique. La réalisation n'a rien de particulièrement originale mais fait le job. La mise en scène est un peu légère, la plupart des gags se résolvent par un gros plan sur le personnage qui dit la blague. Si certaines vannes, notamment les plus visuelles, marchent encore, L'humour est parfois assez lourdingue, avec d'assez nombreuses « blagues » racistes ou homophobes qui ont très mal vieilli. Le commissaire Gibert (Bernard Farcy) est particulièrement gratiné de ce côté. Lilly (Marion Cotillard) passe les trois-quart de ses scènes en petite tenue sans justification et Alain Trésor (Édouard Montoute) sort toutes les blagues les plus limites, probablement pour esquiver les allégations de racisme. La partie enquête du scénario est relativement correcte. Les braqueurs allemands, menés par Scholz (Richard Sammel), sont archétypaux mais raisonnablement crédibles en antagonistes. La romance entre Daniel et Lilly en revanche est franchement mal écrite, Lilly servant surtout de prétexte pour que Daniel soit en difficulté tout le film, avec un comportement irrationnel enraciné dans des quiproquo peu intéressants. Émilien n'est pas en reste, puisqu'il est amoureux de sa collègue Petra (Emma Sjöberg), qui finit inexplicablement par ressentir la même chose à la fin du film. C'est du Besson dans le texte. Côté action, le film reste cheap dans la mesure où assez peu de scènes de courses-poursuites sont réellement filmées dans le détail. Seules deux scènes de bagnole sont vraiment montrées et n'ont rien d'époustouflant, même si les cascades ont clairement été travaillées.

Dans l'ensemble, Taxi est un film d'action de seconde zone, qui tire sa force en premier lieu dans un humour un peu neuneu. La comédie puise à la fois dans un certain chauvinisme, qui a probablement trouvé une certaine résonance après la coupe du monde 98, et dans l'autodérision des institutions françaises, notamment la police. C'est aussi un produit de son époque, surprenamment bienveillant par la mise en avant de l'amitié entre un blanc et un maghrébin, aux personnalités aussi différentes que leurs carrières mais pourtant issus des mêmes quartiers. Ce n'est pas un chef d'œuvre mais c'est une comédie policière tout à fait raisonnable et il n'y a rien de surprenant à ce que l'originalité du pitch ait marqué les esprits en France, trois ans avant la sortie du premier Fast and Furious.

Taxi 2, Besson contre-attaque

Sortie en 2000, la suite de Taxi marque le début d'une longue descente de la saga dans la beauferie. Du point de vue technique, la réalisation est désormais confiée à Gérard Krawczyk, Gérard Pirès étant hospitalisé. Krawczyk a déjà tourné trois longs-métrages dramatiques puis était déjà intervenu en remplacement sur Taxi pour remplacer Pirès au pied levé lors de sa maladie. Il réalisera par ailleurs Wasabi, autre film EuroCorp aux critiques mitigées du début des anneés 2000. Trêves de digression, Krawczyk est désormais au volant de la saga Taxi, dont il tournera les volets 2 à 4.

Visuellement, Taxi 2 ne marque pas une grande différence avec le premier opus. Le film s'ouvre sur une scène de rallye avec une mise en scène plutôt rigolote, durant laquelle Daniel s'immisce dans une course afin d'amener un couple à la maternité. C'est malheureusement la seule bonne scène du film. Le scénario de Taxi 2 se divise rapidement en deux sous-intrigues. D'une part, le commissariat auquel appartient Émilien doit assurer la sécurité du ministre de la défense japonais durant sa visite à Marseille, visite qui sera mise à mal par l'intervention de yakuzas 4. De l'autre, Daniel est en difficulté avec Lilly, sa copine perpétuellement jalouse suite à une succession de quiproquos invraisemblables. Et c'est là que les choses se gâtent. En plus d'offrir des intrigues insipides, le film tombe rapidement dans l'humour bouffon. Le commissaire Gibert enchaîne les remarques racistes envers « les niaks », tandis que le général Bertineau, le père de Lilly, fait office de polichinelle militaire qui rappelle des trésors de comédie française, du style Les Bidasses en folie. Le scénario, toujours signé Besson, sacrifie presque systématiquement la cohérence aux gags, comme dans cette horriblement longue scène où Gibert n'arrive pas à utiliser un nouveau prototype de voiture qui ne démarre que par commande vocale, le mot-clé étant... « ninja ». On pourrait également parler du fait que les pizzerias marseillaises sont visiblement tenues informées de l'adresse de toutes les planques yakuzas à Paris, détail qui n'a semblé choquer personne à lecture du scénario.

Cette tendance perpétuelle aux gags n'est pourtant pas complètement dénuée d'intérêt. La scène de largage du taxi, parachuté sur Paris depuis un avion militaire, aurait tout à fait sa place dans un Fast and Furious 5. Le travail sur ls cascades est toujours aussi soigné, à l'exception d'une scène remplacée par des CGI suite au décès d'un caméraman (Alain Dutartre) lors du saut du taxi par-dessus un tank. Cependant, dans l'ensemble, l'action est moins crédible et plus stupide que dans le premier volet. Le mobile des yakuzas pour s'en prendre au ministre japonais n'a aucun sens, Besson insère en vrac des ninjas, du karaté et de l'hypnose. Chez les seconds couteaux du premier volet, Petra est absente de la moitié du film car elle est kidnappée (et sauvée par Émilien), contrairement au commissaire Gibert qui est plus présent. On y perd au change, puisque ce dernier a donc l'occasion de nous gratifier plus longtemps d'insupportables remarques racistes.

Dans l'ensemble, Taxi 2 est dans la continuité du premier volet mais s'avère plus difficile à visionner, la faute à cet humour beauf permanent, qui ne jure que par le cul et les vannes racistes. Même la bande-originale semble avoir perdu en niveau, Akhenaton laissant place à un mix rappé par Disiz la Peste et Faf Larage. Bref, Taxi 2 est moins recommandable que Taxi et sera malheureusement le mètre-étalon pour les suivants.

Taxi 3, le bon goût en option

Après les succès en salles de Taxi et Taxi 2, le tournage d'une suite était une évidence. Taxi 3 est tourné de fin 2001 à début 2002, ce délai ayant permis à Samy Naceri de tourner quelques films entre temps. Studiocanal sort de la production, laissant la main à TF1 pour financer le film seul avec EuropaCorp. Le troisième volet sort finalement en janvier 2003. Le film s'ouvre, comme le veut la coutume, sur une scène de conduite assez intense avec un caméo de Sylvester Stallone plutôt prometteur sur fond de Misirlou repris par les Black Eyed Peas. C'est un peu daté maintenant, mais à l'époque on aimait ça ! S'ensuit un générique pastichant ceux des James Bond, sorte de rêve fiévreux dans lequel Samy Naceri et Frédéric Diefenthal se baladent en smoking devant des mères Noël en petite tenue. Avec quasiment le double de budget du premier film, autant vous dire que cette entrée en matière n'est qu'un amuse-bouche devant le festival qui nous attend. Malheureusement, il s'agit surtout d'un festival de gênance et de racisme, cette fois-ci à l'encontre des chinois. En effet, pour ce troisième épisode, Besson choisit les triades comme antagonistes du film. Pour ce troisième volet, c'est l'heure du retour aux bases : les triades braquent des banques, déguisés en pères Noêl. Comme d'habitude, se déroulent en parallèle des intrigues romantiques insipides concernant les deux couples qui se sont formés précédemment, celui d'Émilien et Petra (spoiler: elle est enceinte) et celui de Daniel et Lilly (spoiler: elle est enceinte).

En ce qui concerne l'humour, le film touche le fond. Gibert, désormais omniprésent, enchaîne les répliques racistes, sexistes ou les deux 6. Durant l'enquête, Émilien est enlevé puis « torturé » par la cheffe des triades, torture dont il est fortement sous-entendu qu'il s'agit d'une fellation. Oui, c'est visiblement ce que Besson avait trouvé de plus drôle. Dans l'ensemble, l'idée du gang des braqueurs père Noël tourne rapidement au joyeux n'importe quoi, à la Police Squad (ou plutôt Police Academy). Nos deux génies réalisent qu'il y a de la neige fondue (de l'eau, quoi) au sol : cela veut forcément dire que les criminels sont venus par les montagnes et s'apprêtent à fuir par les Alpes ! Ils se lancent donc à leur poursuite en dévalant les pentes neigeuses en taxi, seul moment un peu fun du film. Le général Bertineau gagne à son tour du galon parmi les rôles mineurs, puisqu'il joue un rôle clé durant le dénouement du film en participant à la traque des triades depuis un avion militaire. Cette scène est d'ailleurs la seule cascade d'intérêt du film, les scènes de conduite étant moins nombreuses à partir de ce volet 7.

Dans l'ensemble, Taxi 3 est franchement beauf. Les personnages sont de plus en plus caricaturaux et la place plus importante laissée à Gibert et Bertineau, les deux bouffons de service, désamorce systématiquement tous les enjeux du film. Il n'y a pas grand chose à sauver et même le budget supplémentaire alloué aux scènes d'action (y compris une scène de parkour à rollers pas mal filmée mais très superflue, probablement insérée par Besson parce qu'il préparait Yamakasi au même moment) ne permet pas de raviver l'intérêt d'un visionnage.

Taxi 4, panne sèche

Commercialement, Taxi 3 est un succès mais fait moins d'entrées que les premiers (6 millions contre 10 millions pour Taxi 2). Taxi 3 sort toutefois en 2007, dans un contexte difficile puisque Samy Naceri est alors condamné à de la prison ferme pour avoir insulté des policiers, puis pour différents faits de violence. Le scénario tient à nouveau sur un timbre poste : Émilien doit superviser avec Gibert le transfert d'un prisonnier, « Le Belge », un criminel extrêmement dangereux. Bien entendu, le Belge s'échappe et planifie le braquage d'une grande banque monégasque.

Que dire de cet épisode ? C'est le pire de la série. L'humour est daté et complètement con, multipliant les gags pipi/sexe, en y ajoutant quelques références indigentes à Scarface et des blagues éculées sur la Belgique pour parfaire le tout. Le scénario est sans queue ni tête, toute tentative d'ancrer l'histoire dans la réalité ayant été visiblement abandonnée par Besson. Si quelques entorses au réalisme sont toujours compréhensibles, la cohérence interne reste quand même incontournable. Pas de bol, ce n'est pas à l'ordre du jour. L'essentiel de l'enquête est menée hors-champ par Petra, qui travaille désormais sous couverture pour les services secrets. Daniel et Émilien sont presque absents du film, leurs apparitions étant surtout cantonnées à des interactions avec leurs familles respectives et quelques scènes plan-plan sur leur difficulté à assumer leurs devoirs de père.

Le principal ressort comique de Taxi 4 est la nationalité de l'antagoniste principal, renforcé par la présence de François Damiens en sbire pas bien dégourdi. Ce dernier tente comme il peut de rendre drôle des scènes bien mollassones. Mais que faire quand les gags tournent invariablement autour de réflexions adolescentes ? « Haha, les belges sont cons », « Haha il a pris de la coke », « haha le général Bertineau est fou de la guerre », « haha le sexe ». Si vous avez plus de 13 ans, ça ne vous fera probablement pas rire. Je trouve aussi que l'ambiance générale du film a vieilli, avec un caméo de Djibril Cissé qui semble particulièrement daté 15 ans plus tard. Quant à la bande-son originale, elle est signée Melissa M (qui ça ? exactement.). Mais le pire crime de Taxi 4 est probablement la quasi-disparition des scènes en taxi, la voiture étant reléguée au statut d'élément de décor et absente de la grande majorité du film.

Autant j'ai de l'affection nostalgique pour Taxi 3, film que j'ai vu plusieurs fois pendant mon enfance et mon adolescence, autant la découverte de Taxi 4 durant cette rétrospective a été une vraie douleur. C'est, à mon avis, le film le plus pénible de toute la saga.

Taxi 5, le reboot qui n'en était pas un

Après les déboires judiciaires de Samy Naceri et l'échec critique de Taxi 4, la franchise semblait avoir atteint la ligne d'arrivée. Pourtant, en 2018 sort Taxi 5, aussi connu sous les appellations Taxi 5: La Relève et Taxi 5 : il est temps de passer la cinquième !. C'est un faux reboot de la franchise, qui s'inscrit dans le même univers mais avec une fausse continuité : Daniel et Émilien laissent ainsi leurs places à Sylvain (Franck Gastambide) et Eddy (Malik Bentalha), le neveu de Daniel. Le film est réalisé et scénarisé par Franck Gastambide, qui en est donc également la tête d'affiche. Un vanity project? Oui, et pas qu'un peu. Du cast initial, seuls restent Bernard Farcy et Édouard Montoute, qui conservent leurs rôles respectifs de Gibert, désormais maire de Marseille, et Alain Trésor, désormais à la police municipale.

Le pitch est inintéressant au possible : Sylvain est un super-flic parisien qui est mutué de force à la police municipale de Marseille après avoir couché avec la femme de son patron. Oui, c'est Hot Fuzz en moins bien. Son nouveau job sera ainsi de lutter contre un gang de braqueurs italiens. On repassera pour l'originalité. Il rencontre fortuitement Eddy Maklouf, qui lui apprend l'existence d'une Peugeot 406 blanche légendaire 8, appartenant à son oncle Daniel. La voiture est donc rapatriée « du bled » (sic) et voilà Sylvain aux manettes, prêt à courser les italiens dans les rues de la cité phocéenne. Et Eddy ? Ben c'est un boulet qu'il va devoir se traîner jusqu'à la fin du film. Quoi, vous trouvez ça bizarre ? Et oui. Le ton de Taxi 5 est assez différent des quatre premiers films. Là où la police, au travers de Gibert mais aussi d'Émilien, était dépeinte comme incompétente, ici, Sylvain est un excellent flic dont le seul défaut est d'être un Don Juan. Eddy ne sert à absolument à rien, à part récupérer la voiture. Cette situation renverse complètement la dynamique du duo originel, où Émilien était le flic inefficace et Daniel était le chauffeur compétent. Qui plus est, le personnage de Sylvain est détestable et le jeu de Franck Gastambide n'arrange rien. Malik Bentalha est plutôt bon en Eddy mais est gravement desservi par l'absence de bonnes répliques, condamné à jouer l'abruti pendant tout le film et passant son temps à courir derrière une fille.

L'humour est vulgaire comme pas permis, avec une galerie de personnages secondaires qui tapent sur le système. Les gags ne tournent désormais presque exclusivement qu'autour du trio sexe/pipi/caca, avec une fliquette nymphoname, un nain, un flic « geek » incarné par Monsieur Poulpe 9 et bien sûr le retour de Gibert. Le scénario, co-écrit par Gastambide, Besson et Stéphane Kazandjan 10, n'a aucun intérêt, en plus de repomper plusieurs éléments du premier film. Les scènes d'action sont moches, le taxi est sous-utilisé, la musique est médiocre, c'est beauf et le tout ressemble très fort à une tentative de remplir les caisses d'EuropaCorp en surfant sur une licence qu'il aurait fallu laisser mourir de sa belle mort.

Toutefois, le film a une qualité : Samia, la sœur d'Eddy, une mécano personnage-fonction, digne de Megan Fox dans Transformers, mais dont la conclusion du film semble sous-entendre qu'elle aurait pu être la prochaine conductrice du taxi et donc la protagoniste d'un futur film. Vu que ce film n'existe pas (et qu'il vaut mieux que ça reste ainsi), ça reste une maigre consolation.

Taxi 5 est un véritable navet, déconnecté du reste de la franchise, et Gastambide aurait mieux fait d'écrire sa propre histoire à sa gloire plutôt que d'aller mettre le nez dans une saga qui n'avait vraiment pas besoin de ça.

La ligne de l'arrivée

Si vous êtes encore ici après avoir lu toutes ces élucubrations sur une série de films aux qualités pour le moins douteuses, bravo ! Que tirer comme conclusions de cette rétrospective ? Comme pour Le Transporteur, on reconnaît aisément des thèmes récurrents du mythe bessonnien : des femmes à conquérir (mais qui savent se battre tout en étant sexy), une étrange fascination pour les mafias, notamment asiatiques, et un goût prononcé pour les voitures qui font vroum. Taxi a démarré comme une comédie d'action passable, qui a donné sa chance à de jeunes comédiens plutôt talentueux, a su mettre en scène quelques belles cascades à la française et surfer sur un humour potache pas particulièrement brillant, mais pas si stupide. Et puis la saga a pris un mauvais virage et s'est engoncé dans une beauferie de plus en plus caricaturale, en oubliant que les bouffonneries seules ne suffisent pas à faire un bon film d'action, ou même un bon film tout court. Contrairement au Transporteur, je ne crois pas que la technique soit réellement le problème. La réalisation n'est pas la plus inventive mais Pirès comme Krawczyk ont su faire le boulot, et les comédiens sont à l'aise dans leurs rôles respectives. Non, le problème vient des scénarios écrits par Besson, qui contraignent les équipes du film à jouer et mettre en scène des dialogues et des situations absurdes. Bernard Farcy en particulier est un excellent acteur comique mais qui est gravement desservi par la nullité de ses répliques. Les rôles féminins sont aussi gravement en retrait, un travers récurrent des productions EuropaCorp, ce qui n'étonnera pas grand monde compte-tenu de la réputation de Besson dans le milieu du cinéma. Enfin, le revival Taxi 5 est aussi le signe que cette série était un produit de son époque, qui ne pouvait exister que dans cette période où le chauvinisme était permis, l'époque du black-blanc-beur, de la dérision de la police et de la mode du tuning. La version de Franck Gastambide permet de se rendre compte d'à quel point le duo Naceri/Diefenthal était essentiel à l'alchimie de la saga, et qu'au bout du compte, Taxi est avant tout l'histoire de deux potes dans une voiture. Que ce soit par nostalgie ou par curiosité pour une époque révolue, jetez un œil au premier film, cette drôle de capsule temporelle de la France de son époque. Et, à moins d'avoir, comme votre servieur, une curiosité morbide pour les films de piètre qualité, épargnez-vous les suites, qui sont bien trop engluées dans le sexisme et le racisme pour en recommender le visionnage, même entre potes.


  1. je me permets de rappeler par ailleurs que Besson a un certain nombre d'affaires judiciaires aux fesses, à commencer par une condamnation pour harcèlement moral d'une employée d'EuropaCorp, une plainte pour viol (conclue par un non-lieu), plusieurs accusations d'abus sexuels et différents condamnations pour ne pas avoir rétribué à juste titre des collaborateurs et collaboratrices. C'est une personnalité détestable du cinéma français et je ne tiens absolument pas à en faire l'éloge. 

  2. j'entends par là les yakuza, les triades, la mafia italienne, la mafia russe, etc. Dans les films de Besson, les criminels ne sont presque jamais français. 

  3. après avoir songé à Patrick Bruel, Yvan Attal ou encore Benoît Magimel, le choc. 

  4. je vous avais prévenu, Besson adore le crime organisé étranger. 

  5. scène qui aura d'ailleurs lieu dans Fast and Furious 7, comme quoi Taxi aura été précuseur à plusieurs reprises. 

  6. une journaliste sino-suisse s'appelant Qiu (incarnée par Bai Ling), je vous laisse imaginer la qualité des jeux de mots. 

  7. à noter qu'une cascadeuse est handicapée à vie suite au tournage d'une scène de poursuite, ayant perdu le contrôle de sa voiture. 

  8. techniquement, le taxi est désormais une 407, Daniel ayant changé de voiture à une date non précisée entre le quatrième et le cinquième film. 

  9. c'est le pire personnage du film et je suis persuadé que Poulpe se trouve drôle en revoyant ces scènes, alors qu'elles sont juste pitoyables. 

  10. qui la même année a réalisé Bad Buzz, l'effroyable film d'Éric et Quentin, et qui semble ne pas avoir écrit ou réalisé un seul film noté au-dessus de la moyenne sur IMDb. Je veux dire, il faut pas juger les gens seulement sur ça mais mon frère en Christ, qu'est-ce que c'est que ce pédigrée maudit. 

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