Critique de film - Daaaaaalí !

Salvabof Dali

Passons tout de suite aux choses qui fâchent : Daaaaaalí ! n'est pas le film qui va me rabibocher avec Quentin Dupieux. C'est un réalisateur que je n'apprécie guère à cause de ce que j'appellerai une flemmingite aiguë. Dupieux construit des univers fascinants, esthétiquement superbes, puis s'en lasse à environ la moitié du film et finit par conclure sur une fin bâclée. Je partais donc avec un a priori négatif, d'autant plus que le sujet n'était pas pour me plaire : Dali, figure du surréalisme certes, mais aussi affreux personnage, réactionnaire, misogyne, prétentieux et chouchou de la droite monarchiste par-dessus le marché. Néanmoins, ce n'est pas un biopic que réalise Dupieux mais un « objet filmique », alors comme on dit, laissons sa chance au produit.

Commençons par les éloges habituels. Oui, c'est très joli. L'univers décalé et absurde cher à Dupieux se marie parfaitement avec l'esthétique surréaliste de Dali. Le film a des plans superbes et de belles idées de mise en scène. Mais bon sang, que c'est frustrant de regarder un film qui se désamorce systématiquement à chaque fois qu'il s'apprête à dire quelque chose. Mon grief est récurrent envers le cinéma de Dupieux, cette manie de toujours se défausser par l'absurde. Ce schéma se répète dans tous ses films, comme si avoir un propos, une réflexion philosophique ou politique, risquait de l'exposer à la critique. Alors voilà, le film est court, pour une fois il a une vraie fin (même si bon, hein, quelle originalité d'avoir écrit une fin qui laisse planer le doute sur ce qui est réalité et fiction ! 1). Ça n'empêche qu'il ne m'a pas beaucoup accroché, faute à un univers joli mais désespérement vide.

Le choix d'alterner entre quatre acteurs pour incarner Dali est audacieux mais sans réelle justification (ou alors j'ai loupé quelque chose). En pratique, ça se casse la gueule, en créant un mélange des genres entre un Jonathan Cohen plutôt inspiré 2, un Pio Marmaï tout à fait décent, un Gilles Lelouche et surtout un Edouard Baer complètement aux fraises qui peinent à être convaincants dans la peau du peintre.

Il est vrai que le film ne traite en réalité pas tellement de Dali, qui est un prétexte pour nous parler d'autre chose. La véritable protagoniste de l'histoire est une journaliste envoyée interviewer le peintre, incarnée par Anais Desmoustier, par ailleurs excellente dans son rôle. Dupieux intègre dans son scénario un sous-texte : la journaliste souffre du syndrome de l'imposteur et est méprisée par le monde du documentaire. Dali l'utilise autant qu'elle l'utilise, comme faire-valoir afin de se faire une place dans son milieu. Cette histoire d'outsider inconnu, marginalisé par ses pairs, effectue un parallèle assez net avec Dupieux lui-même et sa place dans le cinéma français. Mais est-ce bien sérieux ? Je trouve ça complètement déconnecté de la part de Dupieux se positionner comme un underdog du 7e art alors que c'est sûrement un des cinéastes français les plus bankables des dix dernières années.

Tout ceci est d'autant plus frustrant que j'ai envie d'aimer le cinéma de Dupieux. J'aime l'absurde, j'aime son esthétique, j'aime les prémices de ses films aux concepts complètement dingues. Pourtant, en arrivant au générique de fin, j'ai l'impression de ne rien avoir eu à me mettre sous la dent. Il m'en reste encore pas mal à voir, dont ses premiers (Steak, Rubber et surtout Réalité que l'on m'a vendu comme un de ses meilleurs). Peut-être qu'il faut que je remonte à la source pour trouver cet électron libre, cet OVNI du cinéma français que la presse me promet avant chaque projection. Pour l'instant, je vois surtout un poseur qui a des bonnes idées mais un mal de chien à les mener au bout. Mais bon, je dois reconnaître que c'était beau, bien exécuté et qu'il y a du talent dans tous les départements. J'aurais juste aimé que ça prenne parti. Que ça dise quelque chose. N'importe quoi, qui ne consiste pas à part se regarder dans le miroir.


  1. c'est bien sûr du sarcasme vu que Dupieux fait ça dans la moitié de ses films. 

  2. il joue autre chose que Jonathan Cohen, ça fait plaisir à voir parce que c'est un comédien que j'ai envie d'apprécier mais qui sort rarement de sa zone de confort. 

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