Critique de film - Reprise en main

Reprise en main est un film social sorti en octobre, réalisé par Gilles Perret. C'est dans la veine de sa filmographie passée (films sur la Sécurité Sociale, documentaire sur les Gilets Jaunes co-produit avec François Ruffin, documentaire sur la campagne de Mélenchon en 2017, vous voyez le topo). Le pitch est assez simple: les ouvriers d'une usine de mécanique font face au rachat de leur entreprise par un fonds d'investissement étranger. Craignant de perdre leur emploi, ils décident de monter leur propre fonds d'investissement pour racheter eux-mêmes la boîte.

C'est un film d'actualité, au scénario qui s'oppose résolument à la mainmise des financiers et des fonds d'investissement sur les moyens de production. C'est impossible d'y lire quoi que ce soit d'autre qu'un plaidoyer pour la socialisation des entreprises. On est sur un film feel good, qui se plaît à montrer le triomphe de la classe ouvrière sur des patrons et des actionnaires cyniques et détachés du réel.

De ce côté-ci, le contrat est rempli. On passe un moment divertissant à voir notre trio de protagonistes reprendre le contrôle sur leur usine. Le mauvais côté, c'est que Reprise en main est franchement prêchi-prêcha et pas tellement drôle. Il y a bien quelques passages jouissifs qui prêtent à sourire quand les capitalistes en prennent pour leur grade, mais dans l'ensemble l'humour est plat et convenu 1. Tous les poncifs y passent: l'accident du travail, l'employée virée sans raison légitime, les cadences infernales, le papi syndicaliste, un vrai film de lutte des classes. Pas de grande surprise, ni bonne, ni mauvaise.

En fait, le film semble hésiter à mi-chemin entre le croquis naturaliste et l'esthétique stylisée du braquage de casino. On sent que Perret a l'habitude du documentaire : réalisation fonctionnelle, avec une mise en scène propre mais sans âme ni génie. Les dialogues se veulent coller au discours du réel mais sont balancés par des acteurs avec un jeu pas toujours finaud, si bien qu'on a du mal à croire qu'ils sont vraiment ouvriers. Grégory Montel (Alain) s'en sort finalement le mieux, dans le rôle de conseiller bancaire « sympa mais beauf ». C'est à mon sens le plus réaliste du trio.

Un dernier défaut majeur du film est d'être encore concentré sur les hommes. Des quatre personnages féminins nommés, un seul joue un véritable rôle dans l'intrigue (Julie, jouée par Laetitia Dosch). Et encore, seulement à la fin du film. En ajoutant à ça une poignée de « blagues » sexistes 2, on a la sale impression de voir les femmes reléguées au second plan pour servir de faire-valoir aux héros « mecs » qui ont échafaudé le plan.

Qu'ajouter à tout ça ? Reprise en main avait du potentiel d'être un meilleur film, qui traiterait, avec humour, de la mise en commun des moyens de production, des façons de faire mordre la poussière à son échelle au système financier globalisé. Finalement, on se retrouve avec un petit film sympathique mais oubliable qui ne raconte rien de plus que ce le public qui ira le voir ne sait pas déjà. C'est pas mal fait, mais ça aurait définitivement pu être mieux fait.


  1. je dis ça mais une spectatrice dans le cinéma où j'étais était hilare à chaque réplique, comme quoi c'est sûrement une question de public. 

  2. et je pense que les scénaristes savent que ces blagues sont misogynes et qu'elles ont été intégrées au film exprès, pour faire « vrai ». Sauf que sans aucun recul, ben c'est encore des réflexions sexistes jamais détrompées dans l'histoire. 

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