Critique - Obi-Wan Kenobi

Avant de parler de la série Obi-Wan Kenobi, je me dois de préfacer ce billet par un avertissement. Si aucune critique ne peut prétendre à l'objectivité, j'y renonce intégralement quand il s'agit de Star Wars. J'aime cette saga depuis tout-petit, y compris ses tréfonds polémiques (j'aime à la fois la prélogie et The Last Jedi et Rise of Skywalker). Dans le milieu, on pourrait appeler ça, « être un bon iencli ». Fin de l'avertissement.

Obi-Wan Kenobi donc est une série de six épisodes de cinquante minutes centrée sur le chevalier Jedi éponyme. Située chronologiquement entre les deux premières trilogies (après La Revanche des Siths et avant Un nouvel espoir), elle narre les tribulations d'Obi-Wan, devenu simplement Ben, contraint à sortir de son ermitisme par des circonstances qui le dépassent. 1

Qui s'y colle ?

La showrunneuse de la série est Deborah Chow, qui est également derrière The Mandalorian, le premier succès important de Disney+. Elle est à la réalisation des six épisodes et il n'y a pas grand chose à en dire : c'est de la belle ouvrage. Au scénario, deux inconnus pour moi: Hossein Amini et Joby Harold. On y reviendra mais de ce côté, le taf est fait.

À la distribution, du lourd. Ewan McGregor reprend sans surprise le rôle de Kenobi, qu'il tient à merveille, et Hayden Christensen fait quelques apparitions en tant qu'Anakin Skywalker/Dark Vador. Il est entouré de seconds rôles de haute volée: Joel Edgerton et Bonnie Piesse (Owen et Beru Lars), l'excellent Kumail Nanjiani et la talentueuse Indira Varma. La découverte de cette série pour moi demeure néanmoins Moses Ingram, qui incarne avec brio l'inquisitrice et une des antagonistes principales. Quelques rôles mineurs sont attribués à des acteurs que j'aime bien, comme Sung Kang qui a le droit à son propre inquisiteur. Soulignons quand même le bon travail de Vivian Lyra Blair, qui, du haut de ses dix ans, fait plus qu'honneur à son jeune âge !

Ça raconte quoi ?

Comme je le disais, Obi-Wan Kenobi traite de l'entre-deux. L'Empire est installé depuis dix ans, l'Ordre Jedi a été anéanti et l'Inquisition pourchasse sans relâche les rares rescapé⋅es. Obi-Wan, désormais simplement Ben, vit donc reclus sur Tatooine et veille discrètement sur Luke, recueilli par son oncle Owen et sa tante Beru. Mais, à la demande du sénateur Bail Organa, leader de la frange républicaine du Sénat galactique, Ben doit reprendre la route. Ce prétexte débouche sur six épisodes d'action-aventure, à taille légèrement plus humaine que les films, mais bénéficiant tout de même d'une bonne dose de space opera.

La série traite aussi avec un certain talent le conflit intérieur de Ben/Obi-Wan. Après des années de guerre, les Jedi ont été défait. Dix ans plus tard, que reste-t-il du général Kenobi ? Pas grand chose ! Ben n'a plus aucune envie de se battre, pas plus qu'il ne s'estime encore Jedi, hanté qu'il est par son échec à sauver Anakin du côté obscur.

En face, l'Inquisition, au service de Vador, traque les Jedi. La Troisième Sœur Reva (Moses Ingram, donc), pleine d'ambition, ne voit elle qu'une seule proie digne de lui attirer les faveurs du seigneur Vador : Kenobi.

Et c'est bien ?

Oh que oui. Il y a de quoi pinailler et je pense que les petits défauts de la série viennent d'une ambition revue à la baisse. Si j'ai bien suivi, Kenobi devait être un film, comme Rogue One, mais le box-office décevant de Solo a découragé Disney, qui a préféré le format série, moins coûteux à produire. Exit donc les décors réels, les aliens dingues en VFX, retour aux décors numériques de The Mandalorian et aux masques en latex. Dans l'ensemble la production est plutôt bonne mais le côté opératique en prend un (petit) coup. Il y a peu d'extraterrestres passé le troisième épisode et les décors sont souvent un peu vides.

Et pourtant, quelle aventure ! Déjà, le casting est bon, ça joue bien et juste la grande majorité du temps. La direction artistique est plutôt belle et il y a quelques plans bien inspirés. En tout cas, c'est jamais laid et on voit que Deborah Chow connaît bien son sujet. L'histoire avance rapidement, sans temps mort, avec des rebondissements originaux pour la saga. Le scénario en profite pour étoffer des personnages connus, mais aussi pour donner un peu de profondeur à l'univers. On voit apparaître les contours d'un début d'Alliance Rebelle, on comprend mieux comment est apparue l'Inquisition et on en découvre plus sur le statut de Vador au sein de l'Empire. Contrairement à d'autres entrées de l'univers étendu, la série est très respectueuse du canon des films (et même d'éléments plus annexes, comme les séries animées Rebels et Clone Wars et le jeu Fallen Order). Elle déborde de clins d'œil pour le fan service mais qui sont toujours subtils et de bon goût.

Alors certes, il y a quelques incohérences scénaristiques, plus ou moins importantes. Plusieurs ont été raillées dans les épisodes 1 et 2 lors de scènes où la géométrie de l'environnement aurait dû permettre à des personnages de s'échapper (ou inversement). Ce n'est pas rédhibitoire si on accepte de faire un peu appel à sa suspension d'incrédulité. Il y a quelques ficelles scénaristiques un peu plus grossières qui ne détonnent pas dans Star Wars dans sa globalité mais auraient pu être mieux traitées2. Ces détails ne m'ont pas du tout empêché d'apprécier Kenobi mais si on n'a pas ma sympathie naturelle pour le personnage, c'est possible que cela donne une impression d'un scénario un peu trop grossier.3. La fin de la série (les épisodes 5 et 6) est narrativement brillante et apporte une conclusion satisfaisante et méritée aux personnages de la série. Certains peuvent simplement achever leur migration vers leur rôle futur, d'autres réapparaîtront sans aucun doute dans d'autres médias Star Wars.

Une grande qualité du scénario de Kenobi est d'avoir su remettre les émotions au centre de la table. C'est d'ailleurs aussi ce qui rend le principal défaut de la série encore plus frustrant : elle ne prend pas suffisamment son temps. Oh, l'émotion est là, dans le jeu des acteurs, dans les dialogues, dans la mise en scène et la photographie, et dans la musique 4. Mais c'est trop d'un coup. Les sentiments qu'il faut ressentir sont un peu on the nose et les personnages ont des arcs narratifs un soupçon trop court pour que les setup/payoffs émotionnels fonctionnent à plein régime. Ça fonctionne pour Obi-Wan, que l'on connaît bien par ailleurs, mais beaucoup moins pour les seconds couteaux. Et c'est dommage parce qu'avec un ou deux épisodes de plus, la série aurait vraiment pu atteindre le sans faute à mes yeux.

Pour conclure

Ben c'était bien. Kenobi est en pases de devenir un de mes médias Star Wars préférés. Si vous aimez Star Wars (et encore plus si vous aimez le Obi-Wan d'Ewan McGregor), c'est une valeur sûre. Si vous n'avez pas aimé la prélogie, c'est probable que la série soit très dispensable. Si vous ne connaissez pas Star Wars, je ne saurais pas bien quoi en dire. C'est sûrement sympathique, mais sans connaître le passé (et le devenir) des personnages, la plupart des enjeux disparaissent. Donc… commencez par regarder Star Wars ?


  1. Tiens, au passage remarquons qu'il n'y a quasiment aucun rapport avec Kenobi, le roman de 2013 qui se passe dans l'univers étendu (maintenant appelé Legends, en opposition au « canon » des films de Lucas, puis de la trilogie Disney). Techniquement, ce que le livre raconte pourrait aussi se dérouler pas très longtemps avant ou après la série, mais il y a quelques points de divergence notables qui laissent à penser que les showrunners de la série n'avaient pas du tout l'intention de rester « compatibles ». Pour autant que je sache, le roman relève désormais de la fanfiction du point de vue de Disney. 

  2. Disons que la gravité des blessures n'est pas toujours complètement claire dans la série. 

  3. Les épisodes 5 et 6 expliquent une partie de ces « incohérences » (oui, certaines ont été moquées avant d'avoir le fin mot de l'histoire, et toc). 

  4. Natalie Holt a réarrangé et adapté la bande originale de John Williams pour la série, c'est franchement un travail d'enfer. 

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